A quel moment as-tu eu ton déclic artistique ?
Tout a commencé par un rapport à l’image. Je prenais des photos quand j’étais tout petit, les photos qu’on a tous prises quand on partait en colonie de vacances.
J’ai eu l’envie de garder des souvenirs, des lumières, des sensations, des amitiés et des moments.
Plus tard, durant mes études en design, il y a eu une tension entre les objets que je créais et les photos que je prenais. Dès lors, j’ai commencé à m’intéresser aux plasticités des matériaux.La source première de chacune des deux pratiques (art/ design) venait de mes peintures qui me permettait de retranscrire des sons que j’écoutais.
Tes inspirations ?
J’ai été poussé à la photographie par Jean-Luc Monterosso fondateur et directeur de la MEP pendant plus de 20 ans. C’est lui qui m’a incité à faire de la photographie. Il est l’une de ces personnes qui vont croire en vous, et qui vous encourage à vous dépasser. Il y a aussi eu Anne Immelé, docteur en photographie et également artiste.
Elle m’a initié à la pratique argentique en me prédisposant à la compréhension des différentes techniques de prises de vue d’une photographie et de ses enjeux : comment capture-t-on une image ? Comment la montre-t-on ? Etc.
Mon processus de réflexion a commencé à émerger durant mon enfance. Un des marqueurs fort de mon éducation est que j’ai très souvent été en contact avec différents types de tissus et de motifs. Ils hantent ma mémoire. Grandir en étant entouré de ces savoir-faire est extrêmement stimulant, car ils forcent à comprendre le savoir de la main, le mouvement des trames, les superpositions de texture, … Comment une forme souple et fluide peut être en tension avec une forme froide et rigide.
Quelle est ta volonté en tant qu’artiste ?
C’est difficile, car il est essentiel de faire une distinction entre le but de ma pratique et le rôle réel que mes œuvres jouent dans une production contemporaine.
J’ai eu la chance d’avoir accès à des ressources et des opportunités durant tout mon parcours. Aujourd’hui, je ressens profondément le besoin et le devoir de partager et de transmettre ces connaissances et ces expériences. Ma manière à moi de le faire, c’est par une pratique artistique.
Dans ma pratique artistique, j’essaie de retranscrire mes émotions, mes sensations et mes pensées grâce à un protocole que je mets en place et qui peut amener le public à se l’approprier et à le réfléchir aussi. Il est vrai que je ressens parfois une injonction à partager mon travail, mais cela me pousse à penser plus loin ce que je souhaite mettre en lumière.
Comment est-ce que je peux créer un cocon où le public peut être en communion avec les éléments qui l’entourent ? Disons que cette question est centrale pour moi.
Selon toi qu’est-ce que l’art ?
L’art c’est l’étonnement, l’émerveillement. L’art du questionnement. C’est pousser les gens à se ressentir et penser. Platon nous dit dans Théétète « L’étonnement, cet état qui consiste à s’émerveiller, c’est le sentiment tout à fait caractéristique du philosophe. » Le début d’une réflexion…
Quel héritage souhaites-tu laisser ?
Je souhaiterais véhiculer et transmettre une idée, qui vise plus particulièrement l’Afrique. Cette idée, c’est que tout est possible, il n’y a pas de code ou de règle dans la production artistique. Certains restent sur une idée assez traditionnelle dictée par un héritage colonial tenace, sur ce que devrait être un artiste africain et de ce que l’on attend de son travail.
Alors que le monde actuel est porté sur de nouvelles formes artistiques et de nouveaux enjeux, je pense qu’il est grand temps pour l’Afrique d’expérimenter et de se libérer de ce poids de l’attendu, une contrainte qui selon moi, empêche de réellement créer.
Un événement marquant ?
Cette épiphanie se déroule pour moi en 2017. Après un échec à l’open call, Aux Rencontres photographiques de Bamako, on me propose de réaliser un OFF au même évènement.
Cette expérience va radicalement changer et transcender ma façon de travailler, j’en ressors transformé, mature et enrichi de nouvelles connaissances.
Cette première exposition, m’a également permis de développer et d’aiguiser mon regard critique sur mon travail mais aussi sur celui d’autres artistes.